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Intelligence artificielle : oppression ou épanouissement ?

Depuis le début du vingtième siècle, beaucoup d’emplois ont été abolis. Les machines sont devenues de plus en plus sophistiquées, et sont vite devenues plus efficaces que les humains pour une multitude de tâches. Plus récemment, dans les derniers mois, l’intelligence artificielle (IA) a fait couler beaucoup d’encre. On entend beaucoup parler des performances exceptionnelles de ces technologies et du fait qu’elles s’approchent du niveau de l’humain. Madame et monsieur Tout-le-monde sont en droit de se demander : « serai-je bientôt remplacé(e) par une machine ? »

À la lumière de la conférence « Beneficial AI 2017 » de la Future of Life Institute et de ce que j’ai appris depuis que je baigne dans ce domaine, j’aimerais apporter quelques éléments de réponse à cette question. D’abord, je vais démystifier un peu l’impact qu’aura l’IA sur le marché de l’emploi à moyen terme. Je continuerai ensuite avec ma vision à long terme du rôle de l’humain, de sa raison de vivre.

Moins de travailleurs, plus de travail

Il existe une peur ; celle que les robots « voleront nos jobs » , qu’ils prendront une part grandissante du « gâteau de l’emploi ». Cette peur ignore le fait que le gâteau grossit à vue d’œil ! La tendance démographique actuelle annonce une baisse de la proportion de personnes aptes à travailler : le « nombre de retraité(e)s à soutenir par employé(e) » est en hausse. Il va de soi que chacun(e) devra être toujours plus efficace au travail. L’automatisation répond directement à ce besoin : elle permet à une personne d’accomplir deux, cinq, dix fois plus de travail pour un même effort. En ce sens, l’IA est un outil d’efficacité précieux.

Une autre peur, entretenue en grande partie par les médias et par Hollywood, est celle que les robots vont un jour nous remplacer par la force. Cette peur est exagérée. Pour que cela se produise, il faudrait créer un robot humanoïde qui excelle dans les compétences humaines. Voilà qui serait inutile ! Il y a plus de chances que l’on assiste à la conception de robots qui auront des compétences complémentaires au humains. Par exemple, je détesterais qu’on veuille remplacer une mère par un robot, même si ce dernier fait la lessive et le ménage trois fois plus vite et sans broncher ! Bien sûr, ce robot ne peut remplacer la mère dans le rôle qu’elle joue auprès de sa famille. Personne ne veut toucher à ça. Mais si un robot pouvait faire la lessive et le ménage trois fois plus vite que Maman (et six fois plus vite que Papa) ? Maman et Papa auraient plus de temps pour élever et aimer activement leurs enfants. Bref, leur rôle n’est pas remplacé, mais ils peuvent se concentrer sur les tâches plus gratifiantes.

Vers une société plus humaine

Je pose que ce sont les tâches les moins gratifiantes seront automatisées en premier; bien avant celles qui incarnent des valeurs humaines. Toutes les tâches qui sont fastidieuses, répétitives ou qui ne demandent aucune créativité ou chaleur humaine sont vouées à être effectuées par des robots. Autant ces tâches sont déprimantes pour les humains, qu’elles sont faciles à automatiser ! À l’inverse, les tâches qui requièrent les qualités humaines les plus complexes seront remplacées en dernier (si elles le sont un jour). Je parle des rôles qui nécessitent l’amour, la compassion, l’empathie, la passion et la créativité. Les tâches « d’humain à humain ». Quelle personne en fin de vie voudrait recevoir les soins d’un robot ? Quel est l’intérêt d’une prestation musicale automatisée ? Remarquez que les qualités dont je parle sont en général peu valorisées dans le monde du travail, univers dans lequel les gens passent la plus grande partie de leur vie. En ce sens, on peut inscrire l’automatisation dans une marche vers une société plus humaine !

Au cours de cette marche, il y aura nombre d’obstacles à franchir. L’un d’eux est la culture de la centralisation. La course à la centralisation dure depuis longtemps. Les élites cherchent à concentrer les avoirs et le labeur dans les mains d’un petit nombre. Ils cherchent à tirer le maximum du minimum ! Prenez les films Hollywoodiens, par exemple. On crée un morceau de divertissement, on le copie à l’infini et on le vend partout dans le monde. Toutes ces personnes uniques, de toutes cultures, reçoivent un même contenu sans caractère. Et si le divertissement redevenait une activité de communauté ? Voilà une activité qui a été, du moins jusqu’à récemment dans l’histoire, une tâche « d’humain à humain » !

Défis en vue

Une question très importante émerge : à qui appartient les profits générés grâce à l’intelligence artificielle ? Dans le domaine tel qu’on le connaît aujourd’hui, on aurait tendance à répondre que les profits reviennent à l’entreprise privée : après tout, c’est elle qui a fait des investissements en capital humain (chercheurs), c’est elle qui a déboursé pour amasser les données d’entraînement, et c’est aussi elle qui a acheté le matériel informatique.

Cependant, à mon avis, cette analyse est incomplète. Il faut tenir compte de tous les facteurs qui contribuent au succès de l’entreprise. D’abord, les connaissances issues du domaine de l’IA sont largement du domaine public. Ce sont en grande partie les gouvernements qui ont financé ces projets de recherche, dont les résultats sont à la disposition du privé. En payant l’impôt à l’état, le citoyen est donc indirectement copropriétaire de ces résultats de recherche. En utilisant ces résultats, l’entreprise a donc une « dette » envers le citoyen. Cette dette devient encore plus réelle lorsqu’on pense à l’évasion fiscale dont sont coupables les plus lucratives entreprises privées.

« Je suis vraiment préoccupé de voir l’IA aggraver la concentration du pouvoir et des richesses que l’on voit depuis les 30 dernières années.1 »
— Yoshua Bengio, directeur de l’Institut des algorithmes d’apprentissage de Montréal

Conclusion

Le développement effréné de l’intelligence artificielle comporte de nombreux risques ; l’aggravation de la concentration des pouvoirs en est un exemple. Malgré tout, l’IA pourrait être un énorme avantage dans notre marche vers une société plus humaine. Mais ce n’est pas l’IA qui va faire évoluer l’humanité. Il est primordial que l’humanité, elle-même d’abord, évolue pour bien gérer les situations complexes amenées par ces nouvelles technologies si puissantes.

Merci de m’avoir lu! Je suis conscient d’avoir avancé nombre d’affirmations sans les avoir supportées ; je m’en excuse, c’est par manque de temps. Je cherche surtout à alimenter réflexions et discussions. Si vous trouvez des références qui supportent ou réfutent certaines de mes affirmations, je suis preneur. Laissez un commentaire!


Notes et références


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